Les deux petits frères (2):Le Comte de Provence (à gauche) & le Duc de Berry (à droite) par Drouais
D’après les contemporains, la santé du futur roi diverge de celle de son frère et de sa sœur.
« Ce prince parait fort robuste. On prétend qu’il est venu au monde plus gros et plus grand qu’aucun des enfants de Madame la Dauphine » - comte de Bellegarde
« Mgr le Duc de Bourgogne est beau comme le jour, le duc de Berry ne lui cède rien, Madame (leur sœur aînée) est toujours d’une délicatesse singulière »En effet, la petite fille souffre d’une crise d’appendicite et mourra en bas âge (5ans) le 2 septembre suivant.
Mlle Silvestre écrit quelques mois après la naissance du comte de Provence :
« Nos trois princes sont beaux et bien portant. »Néanmoins, après deux pertes (Madame & le duc d’Aquitaine), la dauphine s’inquiète pour son second fils qui ne prend pas l’obésité caractéristique de bonne santé, chez les enfants de son âge.
Néanmoins, le petit Louis-Auguste est confié aux bons soins de Madame de Marsan qui ne s’intéresse pas à lui et porte son entière affection sur l’héritier du trône, le duc de Bourgogne. Erreur qu’elle reproduira avec les deux dernières filles, préférant ouvertement Clotilde que la nature à le moins gâtée, à Élisabeth.
C’est donc à ses frères que le petit prince réserve toutes ses affections. Bientôt, les deux aînés deviennent inséparables.
En 1758, le duc de Bourgogne passe aux hommes. C’est une tragédie pour les deux enfants, car le duc de Berry n’a que quatre ans et qu’il devra se contenter de voir son frère de loin, désormais. Il est évident que le duc de Bourgogne ait regretté les soins de Madame de Marsan, mais il n’est pas moins certain que les larmes versées furent aussi pour ce petit frère.
Le 23 Août, pour le sixième anniversaire du duc de Berry, on tire un feu d’artifice. Le 2 sept. on lui fait quitter ses robes de cour (l’enfant était si mignon que la dauphine aimait à jouer à la poupée avec lui. Dans ce jeu, il était la poupée…), pour lui mettre un habit d’homme « à la française ». Le 8 sept. un an avant la date prévue, le duc de Berry passe à son tour aux hommes. Il est fort content de retrouver son grand frère et ne regrettera pas du tout sa gouvernante.
En 1760, le duc de Bourgogne à 9 ans, il a les yeux noirs comme le père et est petit de taille, si bien qu’on prend souvent le duc de Berry pour l’aîné.
Le duc de Bourgogne est un enfant difficile, il éprouve une répugnance naturelle pour le travail, ne mord à aucune matière surtout pas le latin. Pour l’éduquer, son gouverneur use de stratagèmes tels des contes.
Le petit prince, portrait même du père physiquement, mais moralement, a un raffinement excessif pour l’amour-propre. Enfant favori, toute la cour s’exalte de ses progrès, de ses phrases philosophiques, de sa vertu et de son esprit. Les autres enfants, particulièrement le Duc de Berry, restent dans l’ombre de leur grand frère.
Marie-Josèphe de Saxe et le duc de Bourgogne, par Maurice Quentin de La Tour
Or en 1760, cet enfant chéri est gravement malade. Les médecins ont cru à un abcès à la hanche conséquence d’une chute, et l’ont opéré au mois d’avril. Il s’agissait en réalité d’une tuberculose osseuse et l’opération n’a fait qu’aggraver le cas. Le duc de Bourgogne ne peut plus marcher et doit garder le lit ou la chambre, suivant son état. Las de ses jouets, les parents ne savent plus quoi inventer pour le divertir. Vient alors l’idée de faire passer le duc de Berry chez les hommes, un an avant la date convenue, et de le donner au duc de Bourgogne qui aura alors, un jouet vivant.
Duc de Bourgogne
Le duc de Bourgogne est ravi de retrouver son petit frère et compagnon de jeu. Mais la tâche confiée au duc de Berry n’est pas si simple que cela. Il faut rester tranquille dans la chambre du malade, se plier à ses désirs, se prêter à tous ses caprices d’enfant, jouer aux jeux qu’il a choisi, en clair, obéir au moindre petit ordre de l’héritier du trône.
La maladie n’a rien arrangé au caractère du duc de Bourgogne, il se montre parfois arrogant, impérieux, et ne manque jamais de sermonner son petit frère.
Au contraire, la santé du cadet et sa vigueur exceptionnelle sont remarquées. Une seule fois le duc de Berry se révolta contre son aîné. D’après M. de la Vauguyon, le duc de Bourgogne aime jouer aux cartes et surtout, gagner. Il a tendance à trancher les coups douteux en sa faveur :
« Il jouait un jour en tête à tête avec un de ses sous-gouverneurs. Il y eut un coup sur le jeu qui méritait d’être décidé ; Mgr le duc de Bourgogne soutenait avec chaleur qu’il avait gagné, le sous-gouverneur paraissait exprès avoir la même ardeur, il dit au prince :
-
Vous croyez avoir raison et moi aussi, qui est-ce qui cédera le premier ?Mgr le duc de Bourgogne rougit et répondit d’un ton altéré :
-
Ce sera vous, mais tout à coup reprenant un air serein, il ajouta,
Parce que vous êtes le plus raisonnable. »
Le duc de Berry lui, n’aime ni le jeu, ni les cartes et ne joue que par complaisance. Un jour qu’il jouait avec le duc de Bourgogne, il a perdu toutes ses parties (il est bon de rappeler qu’il a trois ans de moins que son frère), et en a montré du chagrin. Le duc de Bourgogne n’a pas manqué de le moraliser.
Malgré la patience du duc de Berry, les sauts d’humeurs de duc de Bourgogne, les enfants partagent une grande affection l’un pour l’autre. Malheureusement, la santé de l’aîné ne va pas en s’améliorant :
Le 29 Nov.
« Le duc de Bourgogne ne nous laisse que peu ou point d’espérance. Mgr le dauphin, et Mme la dauphine sont dans un accablement de douleur qu’on ne peut représenter. »Sans prénoms depuis sa naissance, on se décide à lui donner les noms de Louis-Joseph-Xavier.
Le duc de Berry assiste impuissant aux longues semaines d’agonie de son frère. Il n’oubliera jamais cette période de sa vie.
Au début de mars 1761, les dernières illusions tombent, le père Desmarets conseille l’Extrême-Onction. Il est administré le 16 mars et cette fois, le duc de Berry est absent car souffrant. Comme à chaque fois, le duc de Bourgogne s’agite et s’inquiète.
Les petits frères ne se reverront plus jamais car le duc de Bourgogne meurt dans la nuit du 20 au 21 mars 1761.
Le Mercure de France annonce quant à lui :
« Mgr le duc de Berry est parfaitement remis de l’indisposition qu’il a eue »Dans le numéro d’avril 1761, Louis XV laisse place à ses émotions
« Ce prince à peine sorti de l’enfance, réunissait dans sa personne toutes les qualités qui forment les plus grands et les meilleurs rois. Attaqué d’une longue et douloureuse maladie, il s’est vu mourir et il est mort avec la foi et la patience des martyrs et avec une fermeté plus qu’héroïque parce qu’elle était consacrée par les plus grands principes de la religion et par la piété la plus touchante. »
« La douleur d’une si grande perte est universelle. L’affliction de Leurs Majestés, de Mgr le dauphin et Mme la dauphine et de toute la famille royale ne trouve adoucissement que dans les grandes espérances que l’on a conçues de Mgr le duc de Berry, et qui se fortifient tous les jours »Louis XV vient enfin de remarquer et de distinguer celui qui deviendra son petit-fils bien-aimé.
Louis-Auguste, Duc de Berry, par Drouais