L’embonpoint du roi
Ou
Le gros cochon
Informations tirées de « Louis XVI, le visage retrouvé » par les Girault de CoursacOn a jacassé sur l’embonpoint du dernier roi très chrétien. Les historiens n’ont rien arrangé à cette légende et on même aidé à sa transmission à travers les siècles. On prête même, cette obésité, le dégoût qu’il est censé inspirer à Marie-Antoinette. Pourtant, les contemporains ne se sont pas rendus compte de ce fait. Au moment de l’adolescence, où il a eu une forte poussée de croissance (rappelons qu’il mesurait 1 m 93 à l’âge adulte), nombreux sont ceux qui ont parlé de maigreur.
Cependant en 1779, -Louis XVI avait 25 ans-, certaines gazettes affirment que le roi grossit « à vue d’œil », et que les médecins lui ont prescrit de l’eau de Vichy et de l’exercice à pied.
(Le foie fragile de Louis XVI l’oblige à faire régulièrement des cures d’eau de Vichy et exclu tout excès alimentaire)
Le 18 Août de la même année, l’Impératrice Marie-Thérèse, mère de Marie-Antoinette écrit à son ambassadeur sur ce point, il lui répond :
« Il est vrai que le Roi prend de l’embonpoint, mais ce n’est pas d’une manière disproportionnée avec sa taille ; ce monarque se fortifie tous les jours et acquiert tous les indices d’un homme sain et robuste. »Il ajoute :
« C’est Monsieur, frère du Roi, qui épaissit dans tous les sens contraire »En effet, le futur Louis XVIII est le portrait même du père, c’est-à-dire petit, brun, bien qu’il ait perdu dit-on, tous ses cheveux et porte une perruque, avec les yeux noirs. A son ascension au trône, il prendra le surnom de « Roi-Fauteuil », cause de son manque de mobilité.
Mais revenons donc à Louis XVI qui est le mieux placé pour se défendre lui-même. Il tenait à jour, un petit carnet, où il notait tout ce qu’il avait fait pendant sa journée. Ce carnet n’est en aucun cas un journal intime, attention ! Il utilisait souvent des abréviations comme « S », qui signifie « Souper dans les Petits Cabinets » ou « Rien » qui signifie « ni déplacement, ni chasse ».
D’après cet agenda, Louis XVI chasse tous les trois ou quatre jours en moyenne bien que la fréquence varie selon la saison. Parfois, il se livre à des exercices dangereux comme la « houraillerie », chasse au sanglier à l’épieu, en battue.
A partir de 1788, estimant sans doute qu’il ne fait pas assez d’exercice, au lieu d’aller au rendez-vous de la chasse en carrosse comme l’usage le veut, il y va directement à cheval et rentre au château à cheval. Il va toujours à une telle allure qu’il arrive souvent à semer sa suite. Pendant la Révolution, il n’y a qu’un seul officier de la garde nationale capable de suivre sa cadence.
Le duc de Croÿ affirme qu’il
« menait très bien son cheval, et avec force »Son voyage en Normandie, est un autre épisode soulignant sa force et son agilité. Le programme voulait que le Roi fasse la visite du Patriote, vaisseau de 74 cannons. Pour faciliter l’accès au Roi et à sa suite, un escalier avait été construit sur le flanc du navire.
Mais Louis XVI n’était pas venu que pour se prêter aux cérémonies officielles, n’est-ce pas ? Il se trouvait, à son plus grand bonheur, près de la mer dont il avait rêvé toute sa vie, et qu’il aimait tant ! Et autour de ces hommes ayant contribués à la victoire contre l’Angleterre. Il voulait tout savoir, et tout voir avec son regard d’expert ! En chemin vers le Patriote, il annonce son souhait de monter à bord d’un bâtiment de chaque rang parmi ceux de l’escadre qui mouille la baie. En vain, lui objecte-t-on que sa visite n’est pas attendue et qu’il n’y aura pas d’escalier comme le Patriote, mais une simple échelle en corde, d’autant plus que son emploi est plus difficile avec la mer agitée.
Qu’à cela ne tienne ! Louis XVI rejette toute protestation et grimpe sans difficulté à la corde !
Exploit impossible à réaliser pour le « Gros-Louis »
Physiquement, Louis XVI tient du côté maternel, la maison de Saxe. Il ressemble beaucoup au père de sa mère, Auguste III, et à son grand-oncle, Maurice de Saxe.
(Auguste III)
(Marie-Josèphe de Saxe)
(Maurice de Saxe)
Très grand, et solidement bâti. Enfant, il passait pour l’ainé à côté du duc de Bourgogne de trois ans plus vieux que lui. En 1770 duc de Croÿ raconte qu’il
« parait devoir devenir fort ». En 1789, l’auteur du Moniteur le décrit comme ayant
« une taille avantageuse ».
Sa santé est très bonne par ailleurs, à l’exception de quelques petits rhumes et en 1774, une bénigne attaque d’oreillons, il n’est pratiquement jamais malade. Il n’y a que ses dents, blanches et bien rangées, qui lui posent quelques problèmes. Il a quelques carries dû à la fâcheuse manie de prendre de l’eau citronnée le matin, au petit déjeuner. Son dentiste finira par les traiter par des pointes de feu et l’obturation à la feuille d’or.
A l’aube du romantisme, il faut savoir que la mode veut qu’un bel homme soit légèrement efféminé, telle une jeune fille. En effet, les épaules larges, les muscles développés étaient définis comme « non-nobles » donc « ignobles ». L’habillement, qui va très mal à Louis XVI, est coupé de telle manière à féminiser la silhouette en rétrécissant les épaules et élargissant le bassin.
Pour en revenir à l’obésité supposée du roi, il est bon de rappeler que la plupart des mémoires y faisant allusion ont été rédigé par l’entourage de Monsieur (comte de Provence, futur Louis XVIII), qui était lui, pire qu’obèse.
Un des plus beaux exemples étant le récit de l’abbé Edgeworth « Les dernières heures de Louis XVI » demandé par Louis XVIII et modifié par lui-même :
« Les marches qui conduisaient à l’échafaud étaient extrêmement roides à monter. Le Roi fut obligé de s’appuyer à mon bras, et à la peine qu’il semblait prendre, je craignis un moment que son courage ne commençât à fléchir »D’après ce récit, Louis XVI est trop lourd pour monter les marches raides de l’escalier sans aide.
Fait étrange car aucun journal jacobin ne s’en est rendu compte. On parle plutôt qu’il est
« monté sur l’échafaud d’un pas ferme » (La République), qu’il est
« monté avec fermeté sur le théâtre de son supplice » (Courrier de l’Egalité), qu’il est
« monté d’un pas assuré » (Moniteur).
Chose peu surprenante après réflexion pour un homme de trente-huit ans, fort, souple, et très courageux.